Pour La jeunesse de L’EST de la RDC, le plus grand enjeu n’est pas le rendez-vous du 20 Décembre. Mais une prise de conscience patriotique urgente. Je m’explique.
Frantz Fanon disait que chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. De mes 36 ans de vie, je n’ai jamais senti l’urgence d’une prise de conscience patriotique pour la jeunesse de l’Est du Congo comme je le ressens avec le début de la campagne électorale depuis ce 19 Novembre. À lire les échanges dans différents groupes whatsapp cependant, j’ai l’impression que nous sommes profondément divisés politiquement (à qui ça profite ?) et que nous avons du mal à dialoguer autour du bien collectif au risque de passer de côté la mission qui devrait être notre en cette heure cruciale de l’histoire de notre pays: celle de prendre conscience de combien la région de l’Est et notre génération y comprise ont été sacrifiées depuis des années à l’autel de ceux qui gouvernent ce monde et en complicité avec ceux et celles en qui nous avons mis toute notre foi de nous sortir du gouffre depuis 1996.
Pour même dialoguer à ce niveau, un ingrédient manque, celui de sentir la souffrance agonisante de sa propre existence. Ensuite de sentir le chagrin collectif d’avoir été dérobés d’une portion importante de nos vies, just like that. Que malgré nos ressources naturelles , seuls peu d’entre nous jouissent de leurs diplômes, peu ont des opportunités de voyager même à l’intérieur du pays. Pour ceux qui comme moi sont déjà à quelques pas de 40 ans, peu ont un toit à eux, un compte épargne, ont fait un peu d’investissements pour les jours de maigre vache. Ce tableau ne peint qu’une minuscule partie de la réalité triste de plusieurs jeunes de l’Est meurtris par 3 décades de mpiaka. Combien de promesses non tenues? de rêves émiettés ? de millions de vies ôtées bêtement et sans justice en perspective? des Mayibobo ? (enfants de la rue). Des devenues Cheche (prostituées) qui galèrent aux coins de nos rues et dépourvues de toute dignité ? des déplacés de guerre en precarité humanitaire ? Et la liste continue.
Ces images sont imprimées dans la mémoire de chaque jeune de l’Est.
Pour certains, ces maux institutionalisés et normalisés nous ont anesthésié de notre instinct humain le plus précieux : la révolte contre l’inacceptable , _le basta ya_ comme le disent les Espagnols. Pour d’autres, quand bien même révoltés, face à l’infirmité de moyens de bord pour se sortir des impasses quotidiennes qui pèsent sur nos vies comme Congolais de l’Est, avons succombé à l’impuissance graduelle et paralysante de l’impératif de ne répondre qu’au tôt du jour. “Ya kesho yajuwa Mungu” (A Dieu l’avenir) se dit-on. Et ainsi on se résigne à des vies traînées dans la boue. On se piétine même allègrement chemin faisant, contraints d’accepter les miettes que nos autorités morales jettent par le sol ou nous flanquent sous la table pour nous garder quiet … sinon okokufa (tu mourras)… mais est ce que nous vivons vraiment ? Est ce que nous vivrons dignement après après ces élections ?
Je ne suis pas pessimiste car bien que ça tarde à venir je sais qu’il suffit que la jeunesse de l’Est reprenne conscience, chacun et chacune à son niveau de ce que signifie ’ _être révolté(e)_ de 27 ans de vie gâchée pour que nous discutions différemment autour de ces élections. C’est à travers ce nouvel élan de conscience que nous pourrons aussi nous engager à la relève d’une citoyenneté patriotique et responsable à tous les niveaux où nous avons encore du contrôle pour changer le destin de l’EST. Comme mon feu papa Dieudonné Cirhigiri (paix à son âme) le disait de son vivant : « la ligne entre partie prenante et partie prise est très fine. » Pour les Congolais de l’Est la ligne entre reprendre son destin en mains et nous voir broyés et oubliés par la machine de l’histoire est délicate. Interpellés par InnossB dans #Mpiaka, décidons d’être le changement que nous avons si longtemps attendu. Peu importe nos camps politiques. Nos différences. Nos origines. Réécrivons ensemble une nouvelle histoire paisible et prospère pour notre région. Au delà de tout : Ne trahissons pas le sang de nôtres gisant le sol de l’Est depuis 27ans. Ne trahissons pas la mémoire de notre histoire commune de souffrances continues depuis 27 ans. Ne trahissons pas l’avenir de nos enfants d’ici 27 ans.
Allons donc voter avec cette prise de conscience car ces élections pourraient définitivement sceller notre destin commun comme peuple de l’EST. Que Dieu unisse les jeunes davantage autour de ce devoir générationnel. Que Dieu bénisse la RDC *Christian Cito Cirhigiri. *
(Les opinions exprimées dans ce post sont miennes. Pas celles de Search for Common Ground.)